dimanche 24 janvier 2010

A quoi pensent les socialistes?

J'avais cru un instant que le parti socialiste qui ne cesse de revendiquer par la voix de ses principaux ténors de s'être une bonne fois pour toute remis au travail, d'avancer soudé et d'avoir mis en adéquation ses paroles et ses actions - bref de s'être rénové dans son organisation comme dans son projet politique - avait enfin pris conscience du rôle qui pour des raisons historiques et politiques lui revient : élaborer des propositions précises et concrètes pour redonner de la confiance et de l'espérance aux français.
D'autant qu'à l'orée d'une campagne régionale qui s'annonce tendue notamment dans notre région Île de France où les socialistes derrière Jean-Paul Huchon sont censés être des têtes de ponts de cette modernisation, le désert gagne!
En lieu et place de campagne, le PS persiste à offrir l'image d'un parti devenu inadéquat pour porter sérieusement un message d'espoir et d'inspirer confiance. Il y a certes au PS des personnes multiples et variées dont les compétences doivent permettre d'avancer des propositions sensées et percutantes, des idées nouvelles et originales, d'être à la fois écouté, entendu et de soulever l'enthousiasme. Alors que se passe-t-il? Et pourquoi le PS n'est-il plus pris au sérieux par la masse de français grandissante fortement insatisfaite de sa situation  tant économique que politique et idéologique actuelle. Est-ce par incapacité à élaborer des propositions et un programme? Est-ce par inaptitude à faire de la politique autrement? A la fois oui et non.
- NON parce que dans son principe comme dans la réalité de sa composition, le PS est un parti  qui a une histoire et qui bien structuré recèle des personnes rares. Ces multitudes de compétences devraient permettre de constituer un solide et vaste pôle propositionnel, observé, attendu et soutenu sans défaillance par cette majorité de français qui n'en peut plus d'une vision paradoxalement si "actuelle" et à la fois si "réac" de l'existence. Il ne devrait pas y avoir la moindre difficulté à ce que la grande insatisfaction des français, qui s'étend aujourd'hui de façon croissante même à l'électorat de Nicolas Sarkozy, vienne converger tout naturellement au sein de la dynamique PS.
Mais force est de constater qu'elle ne le fait pas et s'éparpille, au vu par exemple des rapports de force qui évoluent ces derniers temps entre les principales composantes politiques pour les régionales, et ce contrairement aux annonces tonitruantes de Martine Aubry et aux espérances irresponsables de son entourage rapproché. Le PS ne court pas moins que le risque d'être en recul aussi bien pour le nombre des régions que des ratios d'électeurs significatifs, même là où il l'emportera.
- OUI car toutes ces compétences qui devraient étayer les conditions de possibilité d'une future alternance semblent sursaturées. Ce parti connaît une hyperconcentration de ses membres entrés jadis, et une diminution des membres entrants à ce jour. Qui plus est lorsque ces derniers arrivent, c'est par des biais déjà semi professionnalisés. Ils aspirent alors à des places ou envisagent - pourquoi pas - des carrières. Le PS est certainement un des partis revendiquant le plus systématiquement comme postulat  de départ une totale démocratie interne : sans exigence de formations préalables, de cursus, de positions sociales, évidemment de sexe, de couleur etc… on est censé pouvoir entrer dans le parti et, en militant activement, gravir tous les échelons des hiérarchies (il faut arrêter avec le mythe du PS organisé essentiellement selon un axe horizontal; il n'y a peut-être pas plus verticalisé que le PS, les critères de cette hiérarchie étant il est vrai plus complexes que dans d'autres partis, passant par l'ancrage dans des réseaux sociaux et culturels, dans le syndicalisme, des corporations récurrentes, des obédiences et des notables locaux, des niveaux et types d'études). Bref le PS rate ce qu'il aurait pourtant tout le potentiel à réussir presque naturellement : rassembler. Cela tient en bonne partie au fait que chacun au PS s'accroche et lutte d'autant plus - et généralement finit par obtenir gain de cause - qu'il est acharné à monter et accéder à des charges. Le PS se retrouve typiquement clivé entre ceux qui "ont faim" et les autres censés être déjà rassasiés ou simplement dépourvus d'appétit. Si dans un premier temps il semble être archi-démocratique et offre de pouvoir satisfaire toutes les bonnes volontés, dans un second temps - en général celui des échéances électorales, dès lors que les questions de rôles et de places limitées surgissent - le PS montre la réalité de son dys-fonctionnement, qui l'apparente à un système hyper sélectif, un peu sur le modèle des grandes écoles en France. Egalité des chances dans le principe claironné haut et fort, hypersélectivité, reconduction et reproduction de quelques uns dans les faits. On sait que dans ces exercices concurrentiels, les déterminants principaux de la réussite ne sont plus seulement et principalement l'investissement et le travail, mais une certaine aisance héritée et intégrée la plupart du temps pour des motifs extrinsèques aux règles concurrentielles propres à l'école ou au parti, raisons d'ordre familial, éducatif, idéologique et social, quand ce n'est pas simplement d'ordre économique. Bref il y a au PS le symptôme BAC plus quarante douze, qui conduit à un hiatus endogène où le système revendiqué par le parti ne cesse de se cliver et de se contredire. C'est par exemple ce qui ne cesse de se montrer dans l'aveu réitéré à longueur d'années et d'AG et en même temps sans cesse évacué : le PS souffre d'une désertion des classes et milieux défavorisés, du milieu populaire comme aiment si joliment à dire quelques représentants régionaux et nationaux. Même chose avec la totale incapacité à assumer une démocratie réelle et élargie ( incapacité en réalité voulue  et entretenue…). Lorsque Ségolène Royal avait mis au fronton de sa campagne de 2007 la démocratie participative, les moqueries ne vinrent-elles que de ses opposants de droite? Ne vinrent-elles pas aussi en grande partie de son propre camp, dont la plupart des principaux représentants ne cessent aujourd'hui de crier haut et fort l'insatisfaction du peuple français à cause de Sarkozy, et de vanter la démocratie participative, lors même qu'ils l'ignorent totalement ne l'ayant jamais pratiquée en interne et de leur propre aveu n'étant pas prêts à le faire! De ce point de vue la liste constituée pour les prochaines régionales en Île de France - particulièrement dans le Val de Marne où cohabitent apparatchiks locaux opportunistes et personnalités réputées incompétentes mais néanmoins toujours en bonne place - est proprement scandaleuse, et il faut savoir gré à ceux qui ont incité à refuser de la voter.
Au final donc, ce parti se retrouve avec des têtes de file qui occupent d'emblée une position d'exception qui peut-être à leurs propres yeux les apparentent à des élites  et qui a surtout pour effet de les couper totalement de la base. Certes me direz vous il en va de même des structures politiques de droite. Sauf qu'elles l'assument en acceptant en substance et même en revendiquant une forte hiérarchisation, sans revendiquer davantage de démocraties que dans les grands principes et dans l'organisation notamment de la désignation des candidats par le vote. Du coup ces partis en sont plus facilement et plus fidèlement acceptés et reconnus - ce qui est peut-être paradoxal mais n'en est pas moins réel (ceux qui les soutiennent au moins ont l'impression d'un marché clair dès le départ). Par ailleurs le parti socialiste depuis le succès de F. Mitterrand puis partiellement durant 5 ans sous la gauche plurielle de Jospin a offert à ses principaux ténors la possibilité de faire l'expérience sulfureuse du pouvoir et de tout ce qui y est attenant. Mais si ce fut pour eux un don précieux et une expérience irremplaçable, une sorte d'âge d'or du socialisme à la française durant la fin du XXe siècle, pour tout le grand nombre des électeurs de gauche, ce fut somme-toute un cadeau empoisonné, le venin qui a condamné toute confiance durable et conduit à une opposition structurée presqu'exclusivement en fonction de calendriers électoraux, ayant perdu de vue toute élaboration à long terme, parti girouette où l'on est aujourd'hui allié avec les uns, demain avec les autres, tantôt avec tous, tantôt avec personne. Et bien seul pour finir.

A ce jour le créneau propositionnel du PS est devenu une peau de chagrin, si l'on tient compte que proposer n'est pas nécessairement s'opposer et critiquer. Pourtant même lorsqu'il fait mine de proposer, le PS ne cesse de s'aligner d'abord sur le pouvoir en place puis de réagir. Est-il à ce point devenu obsédé par la seule convoitise de retrouver les ors du pouvoir? Et qu'est-ce qui l'attire tant dans l'exercice des responsabilités, surtout s'il se prépare pas comme il le fait, n'importe comment? C'est à se demander si, par dysfonctionnement et délitement progressif interne - notamment quant à son organisation et son système antidémocratique de cooptation - le PS n'en est pas arrivé à n'avoir comme ligne de mire que de dresser des contre-feux à la droite. Les électeurs ne s'y retrouvent plus, percevant exclusivement en lui une sorte de formation politique hybride et sclérosée. Comme "l'Homme-Contre" de Henri Michaux le PS est devenu le "Parti-Contre", rigide, bardé de piquants et d'aspérités. Il y a là indéniablement un symptôme : au lieu de s'employer à penser d'autres modèles, à imaginer autre chose en matière de propositions et de discours tenus au français, ce parti ne parvient pas à perdre de vue l'UMP et son chef. On en arriverait presqu'à se demander si en pleine ambivalence il ne l'aime pas et ne travaille pas pour lui. C'est presque encore plus vrai en local qu'au niveau national, à Vincennes par exemple l'opposition socialiste se prenant à rêver de voir se scinder l'union du nouveau centre et de l'UMP, notamment  à l'approche des régionales.
Qu'est-ce donc que les socialistes peuvent encore imaginer d'autre que de répéter à qui ne veut pourtant plus l'entendre: "la droite échoue, la droite agit mal, la droite ment, la droite triche etc.". Dernièrement encore ils s'agitaient  à faire scandale et à dire que la droite - résumée comme souvent à Sarkozy - possédait tout, décidait de tout, manipulait les français et bien sûr passait son temps à tendre des pièges et faire des coups médiatiques contre le PS et ses principaux dirigeants. L'affaire Vincent Peillon sur France 2, qui vient encore d'être relancée est à ce titre un paradigme d'indigence propositionnelle et de clivage interne dans le parti. Non pas de clivage entre les dirigeants - on voit clairement que sur certains points et finalement malgré les grands mots (maux) passés ou même présents, il y a toujours matière à s'entendre, quelques soient les divergences de vues et les différences de courants - mais de clivage entre la tête du PS d'un côté et de l'autre son cœur et son corps - pour ne rien dire de son âme qu'à chaque jour un peu plus il semble un peu plus perdre!
Peut-on penser sérieusement qu'à part les quelques centaines ou même milliers d'élu(e)s ou aspirant à l'être, de cadres et salariés du PS, … les deux centaines de milliers de militants restants (et que dire des millions de sympathisants et de tous les français restés ancrés  à gauche) attendent du parti ce genre de coup médiatique foireux? C'est indigne vis à vis d'eux d'abord, c'est irrespectueux de leurs attentes et de leur engagement. Car non seulement le PS  ne déstabilise pas la droite de la sorte, mais bien  au contraire il la renforce. Qui doute encore que les grands vainqueurs de l'émission sur FR 2 sont respectivement Nicolas Sarkozy, Eric Besson, Arlette Chabot, Marine Le Pen et en effet peut-être par un effet spectaculaire d'inversion et à titre personnel Vincent Peillon!
Félicitations donc Madame et messieurs du PS pour ces magnifiques performances de rassemblement et de reconstruction d'une espérance des sans-parts. Et si le grand perdant de tout cela c'était in fine la majeure partie du peuple de France qui, envers et malgré tout continue d'espérer peut-être à tort et en vain, qu'il existe d'autres chemins pour se sentir libre que celui des rhétoriques et de la sophistique politiciennes?

Pour ceux qui auraient un doute sur les quelques pistes que nous venons de tracer quant à l'entêtement délétère du PS dans la voie du petit meurtre entre amis et des coups bas politiciens, je conseille la lecture du billet suivant tiré du blog Puzzle Socialiste de Jean-Michel Normand :

" Les socialistes sonnent le tocsin contre la télé-Sarkozy


Les chevau-légers du PS (…et tant pis si certains d’entre eux ne font pas toujours dans la finesse) se sont lancés à l’assaut de la citadelle de la télé-Sarkozy. Dans l’édition du Monde datée 24-25 janvier, Vincent Peillon persiste dans sa charge contre le service public. Dénonçant « la servilité » des dirigeants de France Télévision, il assure ne rien regretter du lapin posé à Arlette Chabot le 14 janvier sur France2 et assure apporter des éléments à sa décharge. De son côté, la direction de France Télévisions s’est dite « indignée des propos injurieux et mensongers » tenus par l’eurodéputé.


En fait, une émission chasse l’autre. L’ire socialiste se mobilise désormais contre ce grand moment de télévision que devrait être, lundi 25 janvier, la participation de Nicolas Sarkozy, sur TF1, à l’émission spéciale, « Paroles de Français » quelques jours avant le début de l’amorçe du décompte des temps de parole pour les élections régionales. Le président de la République devrait passer une soirée pas trop difficile sur la chaine de son ami Martin Bouygues qui a délégué pour le mettre sur le grill l’impertinente Laurence Ferrari et la légende de la profession qu’est Jean-Pierre Pernaud. Le porte-parole du PS, Benoît Hamon en appelle au CSA et ironise en considérant que le président de la République étant supposé « être intégré dans le temps de parole du gouvernement pour tout ce qui concerne la politique intérieure » il ne « devrait pas y avoir en théorie beaucoup de (membres du) gouvernement sur TF1 pendant un mois ». Reste à savoir s’il parlera tant que cela de politique intérieure. Patrick Bloche, député de Paris et secrétaire national du PS chargé des médias, considère dans une interview au Post qu’une « nouvelle fois, la communication présidentielle bénéficie d’un relais complaisant de la part de TF1 ». Selon lui, « on retrouve les liens coupables entre Sarkozy et les groupes industriels qui contrôlent les grands groupes de médias ».


Les montées au créneau des socialistes contre la télé pro-Sarkozy n’ont rien d’inhabituel. La question est de savoir si, cette fois, une phase nouvelle s’ouvre. Depuis quelques semaines – en particulier depuis le lancement du débat sur « l’identité nationale » - les rapports entre la télévision et le pouvoir ont-ils franchi un échelon supplémentaire ? Enregistrent-ils un « saut qualitatif » ? Deux thèses sont en présence. Samedi, lors de « la journée d’étude et de travail » du Rassemblement social, écologique et démocrate organisé à Paris, Vincent Peillon a de nouveau sonné le tocsin en s’inquiétant de la « Berlusconisation » du pouvoir et d’une « régression démocratique », appelant les « démocrates » à « se ressaisir collectivement ». David Assouline, sénateur PS partage cette thèse. Il considère que la question des médias audiovisuels « va devenir un enjeu politique central » dans la perspective de la prochaine présidentielle.


D’autres livrent une vision moins systématique « On ne peut pas dire qu’il y ait un changement qualitatif » estime l’avocat Jean-Pierre Mignard. « Sarkozy utilise à son profit les médias audiovisuels qui se focalisent trop sur le traitement événementiel de l’actualité et accordent donc une place excessive au débat lancé par le gouvernement sur l’identité nationale » estime-t-il. « Parler de Berlusconisation, c’est excessif, souligne pour sa part François Rebsamen. La situation est préoccupante mais – hélas - elle découle des pratiques habituelles du pouvoir. Bref, cet épisode ne constitue pas une surprise ». Présent à la réunion du Rassemblement, Robert Hue trouve « gravissime » ce qu’il considère comme une « instrumentalisation » des médias. Lui aussi discerne-t-il un changement de nature ? « Je me garde des épithètes » répond, hardi mais prudent, l’ancien secrétaire général du PCF. Quant à Jean-Luc Bennahmias, ex-Vert passé au MoDem, il a apporté samedi un commentaire emprunt d’une intéressante profondeur historique. « En matière de privatisation des médias et du rôle confié à de grands industriels dans le secteur de la télévision, il semble me souvenir que la gauche a joué un certain rôle dans les années 80 » a fait remarquer le député européen, .


Jean-Michel Normand

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