Jeudi 05 février, le président de la république s'est exprimé abondamment, relayé sur trois chaines (TF1, Fr2 et M6). Il était difficile de ne pas l'écouter, même s'il n'était pas toujours simple de l'entendre. Notamment sur certains sujets qui malgré l'actualité pressante, par exemple la grève générale en Guadeloupe récemment relayée par la Martinique, n'ont pas fait l'objet d'un seul propos de la part du Président.
Choix délibéré d'écarter un sujet économique et social pour le moins épineux, qui plus est juste après une sortie de mouvement social très musclé à l'occasion duquel une petite phrase politiquement maladroite avait échappée au président, dont le soir même de son intervention du reste, il avouait regretter de l'avoir prononcée. Ou bien acte manqué et oubli involontaire quoiqu'actif? A moins encore qu'il ne s'agisse d'une pure dénégation d'un aspect central de son intervention?
Quoiqu'il en soit, au cours de cette longue intervention une annonce aura surtout été remarquée et aura fait couler l'encre des journaux de toutes tendances confondues: celle de la suppression de la taxe professionnelle.
En effet dans sa déclaration télévisée du 5 février, le président de la république a déclaré : «
l'on supprimera la taxe professionnelle en 2010 parce que (il veut)
que l'on garde des usines en France »
Sur le site de LCI, la déclaration de Nicolas Sarkozy Il chiffre ainsi le coût de cette mesure, lors de cette émission, à 8 milliards d'euros. Or ce chiffre serait en réalité de 26 milliards
selon Le Figaro.N'étant ni chef d'entreprise, économiste ni conseiller fiscal des collectivités locales, je n'ai guère les moyens d'analyser techniquement l'impact réel et profond de cette suppression. Je préfère m'en tenir au problème global qui est soulevé par cette mesure: la taxe professionnelle doit être vue de deux points de vue différents et pour le moins assez incompatibles:
1° De celui des entreprises qui s'implantent notamment sur les territoire d'une collectivité locale (par exemple une commune comme Montreuil ou Vincennes). Pour elle c'est un coût souvent conséquent, et comme la plupart des dossiers que j'ai consulté sur la question, tous s'entendent pour rappeler que les entrepreneurs et le patronat ont régulièrement demandé sa suppression.
Voir par exemple les articles suivant de l'expansion, de l'encycopédie Wikipédia qui écrivent: "
L'Expansion : "La suppression de la taxe professionnelle est une revendication ancienne du patronat, qui la remet régulièrement sur le tapis. Cet impôt est accusé de pénaliser les entreprises. Le problème, c'est que personne n'a encore trouvé comment compenser le manque à gagner pour les collectivités locales. C'est pour cela, notamment, que Jacques Chirac, qui avait annoncé la suppression de la taxe professionnelle en 2004, avait dû renoncer à ce projet. Nicolas Sarkozy, lui, s'y attelle. Et se fixe 2010 pour horizon."
=> Voir l'article
Wikipédia: "La politique du gouvernement depuis que la TP existe a été de la modifier. La TP est une charge directe pour les entreprises et celles-ci ont toujours demandé à ce que cet impôt soit allégé."
=> Voir l'article2° Du point de vue de la collectivité locale qui accueille l'entreprise. Pour elles, la taxe professionnelle est globalement une source conséquente de revenus (chiffrée entre 25 et 30 milliards d'euros). Dès lors, comment, en cas de suppression, compenser le manque à gagner pour les collectivités territoriales?
Précisons que du point de vue de l'entrepreneur, et notamment de la petite ou moyenne entreprise (car pour les grandes ou très grandes, la taxe aussi élevée soit-elle ne fait pas sentir ses effets de manière aussi pesante, le différentiel de coût avec l'implantation sur des territoires urbains plus centraux étant par ailleurs colossal, compte tenu des espaces et surfaces souvent très vastes que ces grandes ou très grandes entreprises nécessitent), cette perspective est une entrave économique supplémentaire à leur compétitivité. La taxe professionnelle représente un coût souvent non négligeable, mais qui est régulièrement endossé et préféré à ce que serait le coût bien supérieur d'une autre implantation géographique (par exemple la BNP qui vient à Montreuil ou Essilor à Vincennes payent bien une taxe professionnelle dont ces entreprise se passeraient certes volontiers, mais le coût global de leur implantation demeure, du fait de multiples paramètres, dont notamment la disponibilité et le prix plus élevé du mètre carré, bien plus avantageuse que d'autres implantations envisagées par exemple à Paris).
Du point de vue des collectivités locales donc c'est une manne tombée du ciel de la législation française., et nombre de communes relativement petites en France sont finalement assez, voire très riches, lors de création de zone industrielle et de la multiplication d'entreprise qui s'y implantent. C'est le cas par exemple d'entreprises installées sur des territoires aéroportuaires ou voisins.
Dès lors nous observons dans l'annonce du président de la République une orientation économique qui semble à première vue très claire (assurer au monde de l'entreprise sa ferme volonté de mener à bien cette suppression). Mais sa déclaration ne va pas sans poser de problèmes compte tenu des chiffres q'uil a annoncé (loin des 30 milliards d'euros, le chef de l'Etat a indiqué que sa suppression ne coûterait "que" 8 milliards d'euros).
La réaction n'a pas tardée: ainsi par exemple celle de Philippe Laurent, président de la commission des Finances de l'Association des maires de France, qui considèredans un communiqué
(voir l'article de l'Express.fr) que la taxe professionnelle représente 28 milliards d'euros et non 8 milliards, "dont environ 10 milliards sont d'ores et déjà payés par l'Etat au titre des dégrèvements". Par conséquent, si la taxe professionnelle venait à être supprimée, il resterait 18 milliards d'euros à trouver, et non 8 milliards. Christine Lagarde a tenté d'apporter un correctif selon lequel globalement seuls 80% de la TP serait supprimés, (la part assise sur la valeur locative des équipements et biens mobiliers mais pas celle assise sur la valeur locative foncière qui serait conservée, tout comme les cotisations minimales. Ainsi d'après la ministre de l'économie, l'impact de cette mesure se limiterait alors à 11 milliards, moins trois qui se soustrairont encore d'après les déclarations de son entourage.
Quoiqu'il en soit de cette passe d'arme autour des chiffres, un problème interroge de façon générale: cette mesure est-elle économiquement tenable, est-elle socialement souhaitable? A e problème il faut ajouter la question de l'intention politique qui peut se dissimuler derrière ce projet: la majorité des collectivités locales sont détenues par la gauche, à l'horizon de fin 2010 et de début 2009 nous nous situerons à l'entrée d'une élection politique majeure (les présidentielles et législatives) et l'on peut se demander, même si c'est à ce stade de la réflexion une question ouverte mais sans direction de réponse assurée possible, si la visée politique (tout comme celle du message envoyé du côté du patronat) ne priment déjà pas sur celle socio-économique pure.
J'ajouterai pour finir
quid du budget de villes comme Vincennes par exemple: quel impact par exemple la suppression des taxes professionnelle d'Essilor, d'Holley Duran, de Magimix etc. aura concrètement sur les entrées fiscales de notre commune? Quel projection chiffrée la mairie peut-elle dès à présent nous proposer afin de nous indiquer une évaluation globale de notre ville et de nous indiquer dans quelles situation elle se trouvera budgétairement d'ici les toutes prochaines années?