jeudi 28 janvier 2010

Madame Aubry a fait retraite

Décidément la question de l'âge de la retraite depuis la valse hésitation de Martine Aubry soulève des réactions nombreuses et pertinentes. Une des dernières en date  est pourtant un modèle d'impertinence, mêlant ironie et cynisme pour mieux faire ressortir les conséquences du choix opéré par la première secrétaire du PS. Le problème n'est pas posé à partir d'une pétition de principe d'ordre moral ou économique, mais si l'on peut dire en partant d'une question concrète et selon un axe d'analyse coût/avantage : à qui profite ou profiterai le mieux un recul de l'âge de la retraite? Inversement qui en serait le plus lésé? Au final 60 ou 62 ans?
L'article s'il use abondamment d'antiphrase et adopte un ton moqueur n'en est pas moins très sérieux sur le fonds de la réponse qu'il propose: l'allongement du temps de travail d'un ou deux ans avant l'age de la retraite ne serait pas incitateur pour les classes aisées (ce dont le récitant de l'article se revendique avec environ 12 000 EUR/net par mois et 3M€ dont la moitié rapporte, bon an mal an, de 2 à 3%).
Donc pour garder un ancrage important auprès de ce type d'électorat constitué principalement de cadres sup et sur-représenté dans les grandes villes, notamment à Paris, Mme Aubry se doit de rassurer  en revenant à l'âge de 60 ans pour ceux qui auront la chance de pouvoir partir dès ce délai dans des conditions acceptables voire optimales. Mais comme par ailleurs l'évolution démographique, et l'amélioration des conditions de santé obligeront à cet allongement du temps de cotisation, en particulier pour les classes moyennes et défavorisées, madame Aubry se doit de réussir dans sa réponse le tour de force de combiner la réalité de l'âge de la retraite à 60 ans avec la possibilité du travail prolongé jusqu'à 61 ou 62 ans.
En gros que ceux qui veulent partir à 60 ans et surtout qui peuvent le faire le fassent et que les autres puissent travailler plus longtemps. Tout ce procédé de communication sur cette difficile question des retraites énonce finalement un truisme et préconise ce qui va de soi: les suffisamment riches (pardon "aisés") partiront dès qu'ils le pourront - sous réserve qu'ils le veuillent plutôt que continuer un ou deux ans durant à s'enrichir encore un peu davantage. Les plus démunis  par contre n'auront pas le choix et leur situation socio-économique les contraindra, malgré leur fatigue et leur envie de s'arrêter, à dépasser systématiquement la barre des 60 ans.

"Heureusement, la nouvelle bataille de Solférino n'a fait qu'une seule victime : Martine Aubry." selon par Marc Schindler, Ancien journaliste suisse

En complément de notre précédent post qui s'étonnait notamment des déclarations repenties de Martine Aubry sur l'âge de la  retraite, je ne saurai que conseiller l'étonnant et instructif article de Marc Shindler récemment publié dans le journal Le Monde. Il montre que le problème se pose de façon à la fois arithmétique et éthique, et nécessite une approche non dogmatique, ce que la première secrétaire du PS  ne semble pas avoir intégré dans sa dernière prise de position.

Aller à l'article du Monde

mercredi 27 janvier 2010

Mais que disent les socialistes?

Martine Aubry a fait ce mardi 26 janvier une apparition fantomatique sur TF1. Contraste saillant avec la longue intervention de Nicolas Sarkozy la veille sur FR 2. Le président actuel certes on aime ou pas, c'est selon. Mais au moins on ne peut pas ne pas reconnaître que son intervention d'hier est en cohérence avec sa position, son caractère et sa fonction. Du reste chacun pour ou contre semble y avoir trouvé son compte et ce qu'il attendait: pour les uns il a été bon, clair, offensif… pour les autres mauvais, nul, inquiétant…
Alors Martine Aubry dans tout ça? Ou plutôt le PS tel qu'elle est censée le représenter voire le "piloter"? Où en sont-ils et que nous proposent-ils? Comme toujours depuis maintenant quelques années la baronnie PS semble ressasser de vieilles lunes, mais nouveauté elle s'introspecte!
Le PS adopte un style nouveau, minimaliste et allusif, grâce à Martine Aubry qui semble avoir découvert deux vertus politiques majeures à la veille des prochaines élections européennes:
  • la discrétion: soucieuse de ne pas trop s'avancer à contretemps et de ne pas prendre des risques inconsidérés au moment même où les sondages la donnent toujours en hausse, la première secrétaire du PS choisit de régler son pas dans celui de la majorité et du président, pour le critiquer. Afin de ne pas se discréditer par des avancées intempestives elle adopte une communication réservée et vague: certes Nicolas Sarkozy a tout faux (comment en irait-il autrement quand c'est l'opposition et le PS en particulier qui s'exprime à deux mois des échéances régionales). Mais on  se contentera de le dire "en général". Ainsi madame Aubry assène-t-elle un diagnostic profond de la prestation du président de la république: "inquiétant","n'apporte pas de solutions", "en panne de réponses", "en grand décalage". 
  • le principe de contradiction qui semble être une spécificité de la rhétorique socialiste actuelle: un jour on dit une chose, quelques jours après autre chose, voire le contraire, mais en assurant n'avoir pas varié et de dire toujours la même chose depuis le début. Et en tout cas ce qu'on dit le plus haut et fort est en général ce qu'on ne fait pas. Ainsi la cacophonie sur la question des retraites: il y a environ dix jours Martine Aubry acceptait le principe d'un report de l'âge de la retraite à 61-62 ans (avec il est vrai quelques réserves sur la pénibilité et l'emploi des séniors), mais le lendemain Benoît Hamon (porte parole du PS ou garant de son aile gauche?) est monté au créneau et un Bureau National récent a désavoué le choix de sa première secrétaire et lui a signifié le maintien à 60 ans. Résultat, comme l'écrit le Monde "la première secrétaire a donc finalement fait sienne la position officielle du bureau national". Toujours aussi intéressant de voir qui gouverne vraiment au PS, apparemment toujours  les courants et leurs principaux barons. Mais alors les militants? Et les électeurs qui aimeraient avoir leur mot à dire sur la question étant donné que ce sont leurs retraites qui sont en jeu? Ben euh, disons que ce sera pour plus tard…
Moralité le PS joue encore et toujours à la rénovation sans la faire concrètement à travers des actes forts et assumés. On voit bien la force et l'unité de la majorité de madame Aubry qui la contraint à s'adapter dans sa posture et dans son discours et ne lui laisse pas la place d'une ouverture et d'une modernisation authentiques. Si Martine Aubry veut éviter ce qui est arrivé à Ségolène Royal, c'est à dire d'être proprement lâchée et trahie par les principaux cadres et les principales structures,  lignes de force, sensibilités ou courants de son parti, qui ne constituent pas nécessairement la majorité de ses militants, loin s'en faut, elle est d'ores et déjà obligée de rester pieds et mains liée à tous ceux qui l'ont mise à la tête du parti, certainement moins pour ses beaux yeux ou ses nouvelles boucles d'oreille que pour leurs propres positions éligibles, en local notamment. A l'image de ce qui vient de se passer, elle avancera donc toujours des propositions auxquelles elle sera à répétition obligée de renoncer.  Mais plusieurs experts du PS pensent que ce sont toujours des ballons lancés et qu'on peut rattraper, en attendant de voir les réactions de l'opinion. Il va de soi que dans de telles conditions, l'exercice politique principal que le parti socialiste devra répéter à l'envi consistera à dissimuler le clivage entre les projets envisagés et les intentions affichées, autrement dit de s'ingénier à ne pas laisser transparaître une fois encore la guerre intestine qui déchire ses rangs tant du point de vue des personnes que de celui des idées et des diagnostics.

C'est dans la même perspective qu'à l'approche des régionales où le dernier sondage IFOP donne encore la gauche (qui bien évidemment s'en réjouit et jubile) en progression, il n'est donc pas bon de prendre trop de risques avec une base électorale censée se mobiliser prioritairement à gauche ,mais qui pourrait se sentir échaudée par les intentions d'abord affichées puis retirées de la première secrétaire. Le pas de deux d'avant en arrière de celle qui devrait positivement représenter une opposition démocratique et constructive soudée et étayée sur des propositions alternatives approfondies et non sur les habituels lieux communs de la polémique, s'apparente finalement à un déni symptomatique d'une position entravée et inhibée, qui manque à la fois de clarté et de personnalité.

Dans de telles conditions nationales on peut déjà craindre le pire si la région Île de France doit repartir pour un mandat de six ans derrière la liste de Jean-Paul Huchon, conduite dans le Val de Marne par Michelle Sabban, ex-première secrétaire fédérale du Val de Marne, chasseuse de tête des Strauss Kahniens, en charge il y a peu de se débarrasser notamment des militants rénovateurs, en particulier ségolénistes (comme elle n'avait pas hésité il y a quelques années à se débarrasser des socialistes de Boissy Saint-Léger en les excluant de la fédération du PS). Il n'y a vraiment rien à espérer de positif et de constructif de la reconduction d'une telle liste socialiste. Bien que l'ex première fédérale ait été écartée après le glorieux Congrès de Reims de la direction de la fédération du Val de Marne, cela ne l'aura pas empêchée de se faire investir tête de liste, en constituant une alliance faite de bric et de broc et totalement contre nature. Il est vrai que l'éclatement interne de la démocratie au PS fait qu'on ne sait plus exactement quelle est la nature de ce parti, écartelé entre des structures rigides n'ayant rien à envier au PCF dans les pires moments de son histoire et une vision socio-démocrate beaucoup plus souple).

C'est ainsi que quelques rares récupérateurs opportunistes du courant Ségoléniste ont surtout surfé sur les  élections présidentielles et alii ainsi que sur le dernier Congrès pour se mettre en avant. L'un est devenu lieutenant auprès de Ségolène à Désirs d'Avenir Bvd raspail (ce qui n'est pas sans inquiéter sur l'état dans lequel doit se trouver Ségolène ainsi entourée d'une telle dose d'opportunisme), l'autre précisément promu second juste derrière Mme Sabban sur la tête de liste PS 94 des régionales. Ils auront donc vite et bien rejoint les rangs d'une liste avec laquelle initialement ils n'avaient rien à faire. Et au plus grand mépris de la démocratie participative qui pour eux n'est en fait qu'un mot passe-partout, on peut voir par exemple que le numéro deux de cette liste dans le val de Marne est lui même un spécialiste du pas de deux : à l'occasion du Congrès notamment où il se présentait comme candidat pour accéder à la tête de la fédération, aussitôt le Congrès sur les motions passé il s'était rétracté malgré ce qu'attendaient ses militants. Les deux compères, sans aucun scrupule envers le choix des militants ont réussi le tour de force en forme de mini putsch de faire croire que l'alliance qui en ressortirait avec les composantes liguées dans un TSS assassin (Tout Sauf Ségo) seraient malgré tout avantageuse. Avantageuse au juste pour qui? Et pour quoi? La situation réelle de la liste actuelle pour les régionales en Île de France parle d'elle même. C'est un patchwork sans queue ni tête, sans aucune unité de fonds et sans aucune logique de compétences et de programme, où ne s'agrègent que des ambitions régionales, municipales et individuelles.

Qui peut vouloir reconduire une région à gauche dans de telles conditions? Il est à parier que la gestion de la région sera la première à pâtir et sera sacrifiée sur l'autel des calculs d'apparatchiks locaux, l'essentiel de leur énergie se portant sitôt élus sur les prochaines échéances nationales.
Lorsqu'on compare avec la dynamique enclenchée par la droite dans ces régionales et en particulier en Île de France (tête de liste Valérie Pécresse, actuelle ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche) et notamment dans le Val de Marne (tête de liste Laurent Lafon, maire de Vincennes), on ne peut qu'être étonné par la différence d'approche des campagnes qui commencent.
Là où le PS martèle des messages passéistes (leur bilan qui serait excellent, a minima on peut quand même douter), réactifs et agressifs (en guise de réponse aux demandes de la droite par exemple sur les problèmes concrets du RER A, on passe son temps à cogner sur Sarkozy d'où émaneraient tous les maux) ringardisée avec une liste hétérogène et vieillotte, l'alliance de droite UMP Nouveau Centre quant à elle impulse une dynamique conquérante, renforcée par des positions plus homogènes, des choix clairs et assumés et des personnes jeunes et nouvelles. Sans être nécessairement du même "bord" politique  comme on dit que les représentants de cette liste, elle inspire à ce jour une bien plus grande confiance par la compétence dont font preuve dans leurs domaines respectifs nombre de ses représentants. Vincennes et les Vincennois qui ont l'honneur d'être représentés au plus haut niveau avec cette liste grâce à leur jeune maire Laurent Lafon ne devraient pas manquer de saisir  toute l'importance de l'enjeu du vote des 14 et 21 mars 2010 et de soutenir par tous les moyens le renouvellement et le changement.
Après tout les règles d'alternance auxquelles les socialistes appellent si constamment de leurs vœux ne doivent pas s'appliquer exclusivement au national; elles doivent régir tous les niveaux de la vie politique et des élections et ce pour le plus grand bien de la  démocratie!


dimanche 24 janvier 2010

A quoi pensent les socialistes?

J'avais cru un instant que le parti socialiste qui ne cesse de revendiquer par la voix de ses principaux ténors de s'être une bonne fois pour toute remis au travail, d'avancer soudé et d'avoir mis en adéquation ses paroles et ses actions - bref de s'être rénové dans son organisation comme dans son projet politique - avait enfin pris conscience du rôle qui pour des raisons historiques et politiques lui revient : élaborer des propositions précises et concrètes pour redonner de la confiance et de l'espérance aux français.
D'autant qu'à l'orée d'une campagne régionale qui s'annonce tendue notamment dans notre région Île de France où les socialistes derrière Jean-Paul Huchon sont censés être des têtes de ponts de cette modernisation, le désert gagne!
En lieu et place de campagne, le PS persiste à offrir l'image d'un parti devenu inadéquat pour porter sérieusement un message d'espoir et d'inspirer confiance. Il y a certes au PS des personnes multiples et variées dont les compétences doivent permettre d'avancer des propositions sensées et percutantes, des idées nouvelles et originales, d'être à la fois écouté, entendu et de soulever l'enthousiasme. Alors que se passe-t-il? Et pourquoi le PS n'est-il plus pris au sérieux par la masse de français grandissante fortement insatisfaite de sa situation  tant économique que politique et idéologique actuelle. Est-ce par incapacité à élaborer des propositions et un programme? Est-ce par inaptitude à faire de la politique autrement? A la fois oui et non.
- NON parce que dans son principe comme dans la réalité de sa composition, le PS est un parti  qui a une histoire et qui bien structuré recèle des personnes rares. Ces multitudes de compétences devraient permettre de constituer un solide et vaste pôle propositionnel, observé, attendu et soutenu sans défaillance par cette majorité de français qui n'en peut plus d'une vision paradoxalement si "actuelle" et à la fois si "réac" de l'existence. Il ne devrait pas y avoir la moindre difficulté à ce que la grande insatisfaction des français, qui s'étend aujourd'hui de façon croissante même à l'électorat de Nicolas Sarkozy, vienne converger tout naturellement au sein de la dynamique PS.
Mais force est de constater qu'elle ne le fait pas et s'éparpille, au vu par exemple des rapports de force qui évoluent ces derniers temps entre les principales composantes politiques pour les régionales, et ce contrairement aux annonces tonitruantes de Martine Aubry et aux espérances irresponsables de son entourage rapproché. Le PS ne court pas moins que le risque d'être en recul aussi bien pour le nombre des régions que des ratios d'électeurs significatifs, même là où il l'emportera.
- OUI car toutes ces compétences qui devraient étayer les conditions de possibilité d'une future alternance semblent sursaturées. Ce parti connaît une hyperconcentration de ses membres entrés jadis, et une diminution des membres entrants à ce jour. Qui plus est lorsque ces derniers arrivent, c'est par des biais déjà semi professionnalisés. Ils aspirent alors à des places ou envisagent - pourquoi pas - des carrières. Le PS est certainement un des partis revendiquant le plus systématiquement comme postulat  de départ une totale démocratie interne : sans exigence de formations préalables, de cursus, de positions sociales, évidemment de sexe, de couleur etc… on est censé pouvoir entrer dans le parti et, en militant activement, gravir tous les échelons des hiérarchies (il faut arrêter avec le mythe du PS organisé essentiellement selon un axe horizontal; il n'y a peut-être pas plus verticalisé que le PS, les critères de cette hiérarchie étant il est vrai plus complexes que dans d'autres partis, passant par l'ancrage dans des réseaux sociaux et culturels, dans le syndicalisme, des corporations récurrentes, des obédiences et des notables locaux, des niveaux et types d'études). Bref le PS rate ce qu'il aurait pourtant tout le potentiel à réussir presque naturellement : rassembler. Cela tient en bonne partie au fait que chacun au PS s'accroche et lutte d'autant plus - et généralement finit par obtenir gain de cause - qu'il est acharné à monter et accéder à des charges. Le PS se retrouve typiquement clivé entre ceux qui "ont faim" et les autres censés être déjà rassasiés ou simplement dépourvus d'appétit. Si dans un premier temps il semble être archi-démocratique et offre de pouvoir satisfaire toutes les bonnes volontés, dans un second temps - en général celui des échéances électorales, dès lors que les questions de rôles et de places limitées surgissent - le PS montre la réalité de son dys-fonctionnement, qui l'apparente à un système hyper sélectif, un peu sur le modèle des grandes écoles en France. Egalité des chances dans le principe claironné haut et fort, hypersélectivité, reconduction et reproduction de quelques uns dans les faits. On sait que dans ces exercices concurrentiels, les déterminants principaux de la réussite ne sont plus seulement et principalement l'investissement et le travail, mais une certaine aisance héritée et intégrée la plupart du temps pour des motifs extrinsèques aux règles concurrentielles propres à l'école ou au parti, raisons d'ordre familial, éducatif, idéologique et social, quand ce n'est pas simplement d'ordre économique. Bref il y a au PS le symptôme BAC plus quarante douze, qui conduit à un hiatus endogène où le système revendiqué par le parti ne cesse de se cliver et de se contredire. C'est par exemple ce qui ne cesse de se montrer dans l'aveu réitéré à longueur d'années et d'AG et en même temps sans cesse évacué : le PS souffre d'une désertion des classes et milieux défavorisés, du milieu populaire comme aiment si joliment à dire quelques représentants régionaux et nationaux. Même chose avec la totale incapacité à assumer une démocratie réelle et élargie ( incapacité en réalité voulue  et entretenue…). Lorsque Ségolène Royal avait mis au fronton de sa campagne de 2007 la démocratie participative, les moqueries ne vinrent-elles que de ses opposants de droite? Ne vinrent-elles pas aussi en grande partie de son propre camp, dont la plupart des principaux représentants ne cessent aujourd'hui de crier haut et fort l'insatisfaction du peuple français à cause de Sarkozy, et de vanter la démocratie participative, lors même qu'ils l'ignorent totalement ne l'ayant jamais pratiquée en interne et de leur propre aveu n'étant pas prêts à le faire! De ce point de vue la liste constituée pour les prochaines régionales en Île de France - particulièrement dans le Val de Marne où cohabitent apparatchiks locaux opportunistes et personnalités réputées incompétentes mais néanmoins toujours en bonne place - est proprement scandaleuse, et il faut savoir gré à ceux qui ont incité à refuser de la voter.
Au final donc, ce parti se retrouve avec des têtes de file qui occupent d'emblée une position d'exception qui peut-être à leurs propres yeux les apparentent à des élites  et qui a surtout pour effet de les couper totalement de la base. Certes me direz vous il en va de même des structures politiques de droite. Sauf qu'elles l'assument en acceptant en substance et même en revendiquant une forte hiérarchisation, sans revendiquer davantage de démocraties que dans les grands principes et dans l'organisation notamment de la désignation des candidats par le vote. Du coup ces partis en sont plus facilement et plus fidèlement acceptés et reconnus - ce qui est peut-être paradoxal mais n'en est pas moins réel (ceux qui les soutiennent au moins ont l'impression d'un marché clair dès le départ). Par ailleurs le parti socialiste depuis le succès de F. Mitterrand puis partiellement durant 5 ans sous la gauche plurielle de Jospin a offert à ses principaux ténors la possibilité de faire l'expérience sulfureuse du pouvoir et de tout ce qui y est attenant. Mais si ce fut pour eux un don précieux et une expérience irremplaçable, une sorte d'âge d'or du socialisme à la française durant la fin du XXe siècle, pour tout le grand nombre des électeurs de gauche, ce fut somme-toute un cadeau empoisonné, le venin qui a condamné toute confiance durable et conduit à une opposition structurée presqu'exclusivement en fonction de calendriers électoraux, ayant perdu de vue toute élaboration à long terme, parti girouette où l'on est aujourd'hui allié avec les uns, demain avec les autres, tantôt avec tous, tantôt avec personne. Et bien seul pour finir.

A ce jour le créneau propositionnel du PS est devenu une peau de chagrin, si l'on tient compte que proposer n'est pas nécessairement s'opposer et critiquer. Pourtant même lorsqu'il fait mine de proposer, le PS ne cesse de s'aligner d'abord sur le pouvoir en place puis de réagir. Est-il à ce point devenu obsédé par la seule convoitise de retrouver les ors du pouvoir? Et qu'est-ce qui l'attire tant dans l'exercice des responsabilités, surtout s'il se prépare pas comme il le fait, n'importe comment? C'est à se demander si, par dysfonctionnement et délitement progressif interne - notamment quant à son organisation et son système antidémocratique de cooptation - le PS n'en est pas arrivé à n'avoir comme ligne de mire que de dresser des contre-feux à la droite. Les électeurs ne s'y retrouvent plus, percevant exclusivement en lui une sorte de formation politique hybride et sclérosée. Comme "l'Homme-Contre" de Henri Michaux le PS est devenu le "Parti-Contre", rigide, bardé de piquants et d'aspérités. Il y a là indéniablement un symptôme : au lieu de s'employer à penser d'autres modèles, à imaginer autre chose en matière de propositions et de discours tenus au français, ce parti ne parvient pas à perdre de vue l'UMP et son chef. On en arriverait presqu'à se demander si en pleine ambivalence il ne l'aime pas et ne travaille pas pour lui. C'est presque encore plus vrai en local qu'au niveau national, à Vincennes par exemple l'opposition socialiste se prenant à rêver de voir se scinder l'union du nouveau centre et de l'UMP, notamment  à l'approche des régionales.
Qu'est-ce donc que les socialistes peuvent encore imaginer d'autre que de répéter à qui ne veut pourtant plus l'entendre: "la droite échoue, la droite agit mal, la droite ment, la droite triche etc.". Dernièrement encore ils s'agitaient  à faire scandale et à dire que la droite - résumée comme souvent à Sarkozy - possédait tout, décidait de tout, manipulait les français et bien sûr passait son temps à tendre des pièges et faire des coups médiatiques contre le PS et ses principaux dirigeants. L'affaire Vincent Peillon sur France 2, qui vient encore d'être relancée est à ce titre un paradigme d'indigence propositionnelle et de clivage interne dans le parti. Non pas de clivage entre les dirigeants - on voit clairement que sur certains points et finalement malgré les grands mots (maux) passés ou même présents, il y a toujours matière à s'entendre, quelques soient les divergences de vues et les différences de courants - mais de clivage entre la tête du PS d'un côté et de l'autre son cœur et son corps - pour ne rien dire de son âme qu'à chaque jour un peu plus il semble un peu plus perdre!
Peut-on penser sérieusement qu'à part les quelques centaines ou même milliers d'élu(e)s ou aspirant à l'être, de cadres et salariés du PS, … les deux centaines de milliers de militants restants (et que dire des millions de sympathisants et de tous les français restés ancrés  à gauche) attendent du parti ce genre de coup médiatique foireux? C'est indigne vis à vis d'eux d'abord, c'est irrespectueux de leurs attentes et de leur engagement. Car non seulement le PS  ne déstabilise pas la droite de la sorte, mais bien  au contraire il la renforce. Qui doute encore que les grands vainqueurs de l'émission sur FR 2 sont respectivement Nicolas Sarkozy, Eric Besson, Arlette Chabot, Marine Le Pen et en effet peut-être par un effet spectaculaire d'inversion et à titre personnel Vincent Peillon!
Félicitations donc Madame et messieurs du PS pour ces magnifiques performances de rassemblement et de reconstruction d'une espérance des sans-parts. Et si le grand perdant de tout cela c'était in fine la majeure partie du peuple de France qui, envers et malgré tout continue d'espérer peut-être à tort et en vain, qu'il existe d'autres chemins pour se sentir libre que celui des rhétoriques et de la sophistique politiciennes?

Pour ceux qui auraient un doute sur les quelques pistes que nous venons de tracer quant à l'entêtement délétère du PS dans la voie du petit meurtre entre amis et des coups bas politiciens, je conseille la lecture du billet suivant tiré du blog Puzzle Socialiste de Jean-Michel Normand :

" Les socialistes sonnent le tocsin contre la télé-Sarkozy


Les chevau-légers du PS (…et tant pis si certains d’entre eux ne font pas toujours dans la finesse) se sont lancés à l’assaut de la citadelle de la télé-Sarkozy. Dans l’édition du Monde datée 24-25 janvier, Vincent Peillon persiste dans sa charge contre le service public. Dénonçant « la servilité » des dirigeants de France Télévision, il assure ne rien regretter du lapin posé à Arlette Chabot le 14 janvier sur France2 et assure apporter des éléments à sa décharge. De son côté, la direction de France Télévisions s’est dite « indignée des propos injurieux et mensongers » tenus par l’eurodéputé.


En fait, une émission chasse l’autre. L’ire socialiste se mobilise désormais contre ce grand moment de télévision que devrait être, lundi 25 janvier, la participation de Nicolas Sarkozy, sur TF1, à l’émission spéciale, « Paroles de Français » quelques jours avant le début de l’amorçe du décompte des temps de parole pour les élections régionales. Le président de la République devrait passer une soirée pas trop difficile sur la chaine de son ami Martin Bouygues qui a délégué pour le mettre sur le grill l’impertinente Laurence Ferrari et la légende de la profession qu’est Jean-Pierre Pernaud. Le porte-parole du PS, Benoît Hamon en appelle au CSA et ironise en considérant que le président de la République étant supposé « être intégré dans le temps de parole du gouvernement pour tout ce qui concerne la politique intérieure » il ne « devrait pas y avoir en théorie beaucoup de (membres du) gouvernement sur TF1 pendant un mois ». Reste à savoir s’il parlera tant que cela de politique intérieure. Patrick Bloche, député de Paris et secrétaire national du PS chargé des médias, considère dans une interview au Post qu’une « nouvelle fois, la communication présidentielle bénéficie d’un relais complaisant de la part de TF1 ». Selon lui, « on retrouve les liens coupables entre Sarkozy et les groupes industriels qui contrôlent les grands groupes de médias ».


Les montées au créneau des socialistes contre la télé pro-Sarkozy n’ont rien d’inhabituel. La question est de savoir si, cette fois, une phase nouvelle s’ouvre. Depuis quelques semaines – en particulier depuis le lancement du débat sur « l’identité nationale » - les rapports entre la télévision et le pouvoir ont-ils franchi un échelon supplémentaire ? Enregistrent-ils un « saut qualitatif » ? Deux thèses sont en présence. Samedi, lors de « la journée d’étude et de travail » du Rassemblement social, écologique et démocrate organisé à Paris, Vincent Peillon a de nouveau sonné le tocsin en s’inquiétant de la « Berlusconisation » du pouvoir et d’une « régression démocratique », appelant les « démocrates » à « se ressaisir collectivement ». David Assouline, sénateur PS partage cette thèse. Il considère que la question des médias audiovisuels « va devenir un enjeu politique central » dans la perspective de la prochaine présidentielle.


D’autres livrent une vision moins systématique « On ne peut pas dire qu’il y ait un changement qualitatif » estime l’avocat Jean-Pierre Mignard. « Sarkozy utilise à son profit les médias audiovisuels qui se focalisent trop sur le traitement événementiel de l’actualité et accordent donc une place excessive au débat lancé par le gouvernement sur l’identité nationale » estime-t-il. « Parler de Berlusconisation, c’est excessif, souligne pour sa part François Rebsamen. La situation est préoccupante mais – hélas - elle découle des pratiques habituelles du pouvoir. Bref, cet épisode ne constitue pas une surprise ». Présent à la réunion du Rassemblement, Robert Hue trouve « gravissime » ce qu’il considère comme une « instrumentalisation » des médias. Lui aussi discerne-t-il un changement de nature ? « Je me garde des épithètes » répond, hardi mais prudent, l’ancien secrétaire général du PCF. Quant à Jean-Luc Bennahmias, ex-Vert passé au MoDem, il a apporté samedi un commentaire emprunt d’une intéressante profondeur historique. « En matière de privatisation des médias et du rôle confié à de grands industriels dans le secteur de la télévision, il semble me souvenir que la gauche a joué un certain rôle dans les années 80 » a fait remarquer le député européen, .


Jean-Michel Normand

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jeudi 7 janvier 2010

Régionales 2010: Qui osera s'opposer aux écolos?

Qui osera s'opposer aux écolos?

Cécile Duflot , secrétaire nationale des Verts, candidate tête de liste aux élections régionales 2010 en Île de France répond à un journaliste du Monde qui l'interviewait: « Que les discours des écologistes soient devenus à la mode, ce n'est pas une découverte. Peu de politiques osent s'opposer frontalement aux solutions que nous avançons. La question est de savoir qui va les mettre en œuvre ? ».
Ces propos, outre qu'il constituent un aveu de non spécificité politique (à présent que toutes les principales composantes politiques ont intégré l'exigence écologique) sont peut-être provocateurs. Si sur le fond Mme Duflot a raison de dire que peu de politiques osent s'opposer… il me semble qu'elle a tort dans la manière de le dire et peut-être de le penser, ce qui transparait dans la tonalité de sa déclaration. Elle semble poser cela comme une chose de bon sens et acquise, contre laquelle il serait vain et fou d'aller. La suite de sa déclaration l'atteste puisqu'elle glisse rapidement sur cette absence d'opposition pour s'attacher au vrai problème: « qui va mettre en œuvre? ». La question n'est donc de son propre aveu non pas quoi, mais qui, non pas la question du contenu écologique, mais celle de ceux qui seront les acteurs de l'écologie. Mais qu'est-ce qu'être acteur de l'écologie? Pour vous, pour moi, pour la plupart d'entre nous, être acteur de l'écologie c'est utiliser parcimonieusement l'eau, c'est manger bio, c'est trier, lutter contre le CO2 etc. Certainement que pour Cécile Duflot aussi, quoiqu'en aient dit récemment ses détracteurs mauvaises langues qui ont voulu s'acharner à épingler ses déplacements en avion. Toutefois dans le contexte de l'interview accordée au Monde, visiblement pour Cécile Duflot mettre en œuvre les solutions avancées par l'écologie ce n'est pas seulement vivre bio: c'est gagner les élections et faire appliquer à titre de représentant politique l'écologie. Il y a déjà là une curieuse contradiction: commençant par dire que quoiqu'il arrive de toute façon tout le monde en gros fera dans le bio, Mme Duflot comme tête de liste brigue tout de même un mandat qui permettra de faire plus bio que bio, dénonçant implicitement une mode du bio c'est-à-dire un pseudo ou faux bio. Par où l'on voit percer une revendication d'authenticité: en gros tous les politiques vont marquer bio sur leur affiches, leur programmes et discours, mais méfiez vous, vous n'aurez là que des simulacres de bio, l'original étant chez nous. Ce discours fait irrésistiblement écho dans sa structure à celui tenu par le FN sur l'identité nationale et l'immigration (ce qu'en disent les autres partis, notamment l'UMP selon la famille Le Pen, le débat sur l'identité nationale, la question de l'immigration n'est que pâle copie de ce qu'ils disent depuis plus de 20 ans etc.). Idem donc pour les Verts: depuis le début nous tenons un discours écologique que presque tous les partis affichent aujourd'hui, mais c'est une mode et une posture parfaitement inauthentiques; préférez l'original à la copie. Si dans le propos de Mme Duflot il n'y a évidemment aucun rapprochement volontaire, lorsqu'on discerne l'implicite de ce qu'elle dit, on entend de la provocation. Or en philosophie, la provocation peut être ignorée comme polémique stérile, ou appréciée comme moteur de l'interrogation et de la dialectique.
L'écologie comme truisme et postulat incontournable de la politique est-ce bien sérieux? Il nous faudrait relever le défi et proposer que non. A défaut d'une analyse exhaustive de cette question, voyons de plus près le reste de l'interview de Mme Duflot et ce qu'il recèle et révèle sur le positionnement politique et les intentions réelles des Verts, rebaptisés pour les circonstances Europe Écologie. Peut-être trouverons nous le point de départ pour une critique à venir de l'écologie politique.

Les élections régionales approchent. Comme leur nom l'indiquent, ce sont des élections qui concernent les enjeux politiques, économiques, sociaux, écologiques à l'échelle progressive locale des communes, des départements, des régions. Ce sont des échéances électorales qui ne devraient donc pas être parasitées par les visées et ambitions des personnes et des partis, mais animés par les préoccupations de développement, d'environnement, de transports, d'éducation etc. Par la taille des régions, peut-être aussi par les enjeux de vie commune et concrète, ces élections renvoient à l'échelle des grandes cités anciennes et donc à l'essence de la politique: organiser le vivre ensemble, viser le bien commun. A l'échelle d'une Nation, cela relève beaucoup plus de mots et d'idées: les distances, les écarts, les différences et divergences sont si grandes qu'elles éloignent. A l'échelle d'une région, le climat, les mœurs, les rythmes de vie, le logement et le travail rapprochent. L'angle principal pour aborder cette échéance devrait donc être celui de la proximité et des spécificités locales, non celui des vastes prises de position idéologiques et des grandes manœuvres d'appareil. Pourtant c'est ce qui est en train de se produire et dont la moindre raison n'est pas celle de notre calendrier électoral: d'une part dans le jeu de l'alternance de la démocratie représentative, chaque élection pour les partis politiques notamment d'opposition est l'occasion de se refaire une santé contre ses adversaires et parfois sur le dos de ses alliés. D'autre part pour le PS, parti qui possède presque toutes les régions mais ni la présidence de la République ni la majorité au parlement, c'est l'occasion de se renforcer (ou plutôt de se rassurer de ne pas encore être mort) et d'asseoir sa suprématie régionale afin de revenir dans la course. C'est alors un galop d'essai à partir duquel les échéances futures (présidentielles et législatives) devront s'organiser. Enfin pour tous, c'est un enjeu politique, économique et personnel de taille: il y a des postes à pourvoir, des pouvoirs à distribuer.
Tout cela contribue à ce que le débat sur les tenants et aboutissants des faiblesses et des forces de chaque région (les réels et urgents besoins en matière d'aménagement du territoire, d'urbanisation, de logements, de transports, de protection de l'environnement) n'a pas lieu, mais d'une part cède place à un pseudo débat sur l'identité nationale, d'autre part fait la part belle aux coups bas électoraux par petite déclarations intempestives à la presse et propos qui consistent toujours à dénoncer le camp d'en face avant même que d'avoir fait le ménage dans le sien propre.

Dans ce registre, une médaille peut être attribuée à la région île de France et à la famille politique des Verts, rebaptisés depuis les Européennes « Europe Écologie ». Fait de bric et de broc dès l'origine, mais ayant récemment bénéficié d'apport de sang neuf venant de la gauche alternative convertie aux sirènes écologiques, du centre droit et de la gauche modérée (Modem et PS), la famille politique Europe Écologie est un étonnant patchwork qui mise pour les élections régionales sur deux atouts majeurs: être composée de multiples morceaux d'à peu près toutes les familles politiques de gauche et d'une partie de celles de la droite; d'être une force transversale à peu près dans tous les discours et toutes les attentes contemporaines en matière écologique.
• Le premier atout consiste pour les Verts à appauvrir et diviser peu ou prou à peu près toutes les familles politiques de proximité, et du coup de pouvoir prétendre se placer en position de leader de l'opposition.
• Le deuxième atout est celui de pouvoir piller à peu près toutes les familles électorales (avec toutefois une résistance notable chez les extrêmes, notamment droite). Au total de pouvoir réussir à « rassembler » assez naturellement, sans avoir de contorsions particulières à effectuer pour se positionner politiquement, presque sans même avoir à élaborer de programme politique spécifique et poussé. Les nouveaux Verts peuvent se payer le luxe de faire à peu près n'importe quel programme dès lors qu'ils respectent le principe écologique de base, sachant que leur axe central de toute façon ne pourra pas être critiqué, et même aura toutes les chances d'être repris et pillé par les autres familles politiques, de gauche comme de droite. De ce point de vue l'écologie est une manne, à la limite les Verts n'ont pas trop de souci de campagne à se faire, du moins pour faire admettre et progresser leurs idées, les autres familles politiques travaillent aussi pour eux!

Or en Île de France et par la bouche de Cécile Duflot, secrétaire nationale également tête de liste régionale, les Verts viennent de franchir la ligne rouge: la candidate tête de liste enfonce le clou en usant d'une langue de bois vert. Chaque fois que des actions et projets sont mentionnés, il s'agit d' éviter de faire face et de répondre, pour la seule raison que les actions ou projets en question émanent ou sont censés pouvoir bénéficier à d'autres familles politiques. Ainsi dans un récent article du Monde , Mme Duflot botte en touche plusieurs questions: celle de la gestion de la région par les socialistes, celle de la suppression ou suspension de la taxe carbone, celle de la voiture électrique…
On discerne alors assez clairement la tentation du courant politique des Verts à l 'occasion des proches régionales:
• optimiser leur avantage initial d'être la force transversale portée par les circonstances historiques consensuellement écologiques
• accentuer l'affaiblissement et si possible porter un coup fatal aux familles politiques proches (le PS et le Modem en particulier) pour se hisser au rang de principal parti d'opposition face à l'UMP.

Pour les Verts, leur percée importante lors des des Européennes tient à l'intelligence d'avoir su changer de nom (Europe Écologie) et de conduite politique (les divisions intestines permanentes qui les minaient) en se boostant de candidats d'horizons, de renoms et de compétences politiques variés. Il y a pour eux dans ces prochaines échéances une promesse électorale importante et il s'agit donc de saisir leur chance: faire coûte que coûte le plein de voix en tenant un discours réputé de gauche, engagé sur le collectif et le social (proximité lieu de travail et habitat, discours à l'attention de la moyenne ou grande couronne réputées plus à gauche que la petite), mais en parallèle piller l'électorat de droite attaché aux valeurs plus individualisés de la qualité de vie et mettre l'accent sur l'environnemental bien couplé au réalisme économique.
Bref un savant usage de la langue de bois la mieux aguerrie, capable de faire avaler couleuvres et peut-être même boas aux électeurs, art assez consommé du non positionnement politique opportuniste. Cette stratégie peut payer à une époque où la cacophonie ubuesque du PS, la décomposition inéluctable du PC malgré le ralliement de Mélenchon et les élucubrations du NPA plombent la gauche. Qui plus est à l'heure où la droite commence à lasser et désespérer y compris dans son propre camp.

Mais si dans l'absolu les ambitions des Verts actuels sont légitimes et prometteuses, leur position très intermédiaire, les portant à s'engouffrer dans les vacuités et les faiblesses des blocs traditionnels de droite et de gauche nourrissent une illusion: celle d'avoir inventé une nouvelle façon de faire de la politique, la politique non-politique, la vraie démocratie soucieuse des problèmes réels des citoyens. Or c'est là que se révèle le comble de leur position clivée à l'intérieur même de leur structures et de leur électorat: les Verts dans le mouvement qui les porte à briguer à l'heure actuelle toutes les places et à se tailler la part du lion sont peut-être la force politique obligée d'être la plus conciliante et politicienne, celle faisant un usage de la rhétorique des plus complexe et artificiel, c'est -à-dire celle jouant le plus des déperditions de voix chez l'adversaire, de la déconvenue (doublée de dépolitisation) des électeurs en les incitant à l'égarement des points cardinaux de la politique.
Il est à parier que ce qui peut sembler être la force majeure d'Europe Écologie sera aussi son plus grand handicap: d'avoir les pieds et mains liés à des intérêts économiques, sociaux, politiques, psychologiques très éloignés les uns les autres et peut-être inconciliables, de prétendre pouvoir surfer sur la vague écolo durablement. Si d'aventure ils sortaient comme ils l'escomptent grands gagnants des ces prochaines échéances électorales, il est fort à parier qu'ils seraient condamnés à résoudre une équation insoluble visant à faire plaisir en même temps à tout le monde et par là-même à décevoir en masse.

Les évitements et les dénégations de Cécile Duflot dans ses récentes déclarations au Monde semblent bien attester d'une orientation de campagne doucereuse et pleine de compromis inquiétants. Par exemple quand elle dit: « Nous travaillerons sur deux points majeurs en Ile-de-France : d'une part le développement économique et la formation professionnelle, de l'autre l'amélioration de la qualité de la vie », très bien, qui pourrait aller a priori contre de telles bonnes résolutions? Mais n'y décèle-t-on pas à demi mot que les positionnements des électeurs en fonction de leurs préférences politiques ne préoccupent pas la tête de liste aux régionales. On croit même entendre un discours pseudo-centriste, non pas celui d'une troisième voie qui assumerait sa position du ni… ni, mais celle du cumul de toutes les voix, qui revendique celle du et… et. Le sommet du genre est atteint lorsque Cécile Duflot déclare coup sur coup s'en prenant à Valérie Pécresse qui aurait dit d'elle qu'elle était opposée à la voiture électrique: « C'est facile d'avoir des discours simplistes, les écologistes ont pour leur part des discours nuancés ». Cette coquetterie à détenir l'exclusivité des discours tempérés et subtils laisse bien deviner les principales familles politiques auxquelles les Verts en leur fond ont l'ambition de s'apparenter voire de se substituer: en premier lieu le Modem mais sans ses valeurs de fond notamment éthiques voire religieuses, en second lieu au PS mais sans ses prises d'oppositions tranchées (par exemple Ségolène Royal radicalement contre la taxe carbone jugée par elle impôt supplémentaire injuste alors que Cécile Duflot déclare sans vergogne dans l'article cité « Nous défendons la fiscalité verte depuis des années. Le principe est de mettre l'outil fiscal au service d'un projet… il faut alors avoir le courage de la logique d'une fiscalité écologique»), au PC avec tout le discours sur le mode Les Corons en Île de France et la mise en place de transports en commun...

Toute cette gentille programmation est pleine de belles et bonnes intentions à destination de qui voudra l'entendre, mais sans compter d'une part qu'elle idéalise et idyllise la nature humaine en négligeant de reconnaître qu'elle puisse vouloir autre chose que sa petite maison et sa petite usine dans la prairie, fût-ce à 20 kms de Paris, elle représente aussi le degré zéro du politique comme lieu du non litige, où justement la richesse des débats et des échanges serait de tout confondre et de tout absorber, sans rien confronter ni faire s'entrechoquer!
Paradoxe du discours des verts à l'usage de la biodiversité et à l'ère de la biosphère: non pas la bio-politique telle que l'entendait Foucault mais de la politique-bio à l'usage d'électeurs bio! Partir d'une critique et d'une déconstruction du discours et de l'action politiques traditionnels pour venir occuper par affaiblissement des opposants et empiètement transversal de tout le terrain sociétal la majeure partie du champ électoral. Finalement le discours des verts qui se voudrait adialectique s'avère schizoïde: il s'adresse à peu près indifféremment à tous les citoyens et leur livre en guise de message d'économie politique une promesse écolo-messianique: cessez de vous positionner dans le débat politique et dans les jeux et enjeux d'idées. Elles ont cessé de gouverner le monde et de faire vivre les hommes. À l'ère de la crise écologique, le seul combat qui reste c'est celui de l'avenir de la planète, du bien-manger, du bon-vivre et du respirer à fond en pleine ville comme à la campagne. Puisque nous sommes les seuls vrais représentants authentiques de ce nouvel ordre vital de l'existence au XXIe siècle, qui mieux que nous pour vous représenter? Le problème est que l'écologie dans sa composante principale la plus profonde est peut-être un combat au delà de la démocratie de représentation qui ne relève pas tant des élections que des décisions que chacun prend par lui-même et pour lui seul.