Les transports publics en Ile-de-France représentent près de 1 126,7 millions de voyages sur 1 375 km de chemins de fer desservant 800 gares franciliennes. Ce sont aussi de nouveaux tramways et 352 lignes de bus, ces derniers transportant en moyenne 3,35 millions de passagers par jour. Comment améliorer la qualité, la densité et la fréquence des transports franciliens ? Chaque parti présente ses solutions et reporte sur le camp adverse la responsabilité des difficultés que rencontrent quotidiennement les usagers-électeurs de la SNCF ou de la RATP. Etat des lieux.
Un constat partagé : un réseau saturé.
Jean-Paul Huchon, pr
ésident socialiste de la région depuis douze ans, est également, depuis 2006, président du Syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF), autorité en la matière de la région. Selon le conseil régional,
“les raisons des dysfonctionnements résident, d’une part, dans la hausse de la fréquentation, et d’autre part dans des problèmes d’exploitation… Davantage de voyageurs signifie davantage d’incidents de personnes et de malveillance. En outre, malgré des efforts importants, la vétusté de certaines installations entraîne de nombreux retards”, explique-t-on.
“Saturation et congestion” du réseau francilien seraient dues à
“la situation calamiteuse laissée par l’Etat”, juge Jean-Paul Huchon.
Du côté de la majorité présidentielle, conduite par Valérie Pécresse, on dénonce la
“stratégie de défausse” du président de région concernant son bilan sur les transports.
“Cela fait douze ans que la région participe au financement et au choix des infrastructures dans le cadre des contrats de projet Etat-région [ex-contrats de plan]
“,
précise Chantal Jouanno , tête de liste UMP à Paris.
“On paie aujourd’hui l’absence de décisions d’investissement d’il y a dix ans”, affirme la secrétaire d’Etat à l’écologie.
“Tous les choix d’infrastructures sont le résultat du choix entre la région et l’Etat”, conclut-elle, renvoyant ainsi les deux camps à une responsabilité partagée.
“Désaturer le réseau” est la priorité sur laquelle le prochain conseil régional devra porter son effort, s’accordent à dire les associations d’usagers. “L’urgence est d’améliorer le matériel roulant” estiment de concert la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) et la Fédération des usagers des transports et des services publics (FUT-SP). Fluidifier la ligne 13 du métro et les lignes RER A, B, C et D figure également en tête des urgences des associations d’usagers.
Des projets qui convergent en terme d’infrastructure.
Pour répondre à l’urgence, Jean-Paul Huchon promet “une augmentation de 35 % des capacités du RER A dès l’automne 2010″. Pour ce faire, la RATP placera sur cette ligne, qui traverse la capitale, des “trains à deux étages susceptibles de transporter 2 500 passagers sans modifier la fréquence des rames”, affirme-t-on à la RATP. “L’utilisation de voitures à deux étages, dotées d’une plus grande capacité, ne permet pas forcément de transporter plus de voyageurs”, tempère cependant la SNCF. La capacité absolue est théorique : si faire entrer et descendre les voyageurs prend plus de temps, la fréquence des rames est ralentie. “C’est le bémol”, reconnaît un proche du président de région.
A moyen et plus long terme, Jean-Paul Huchon promet, comme outil de désaturation du réseau, le prolongement de la ligne 14 (pour soulager la 13) et du RER E. Mais aussi la modernisation des RER, le prolongement de la ligne E, de nouveaux tramways, des bus en site propre…
Pas de différence majeure en du côté de Cécile Duflot et d’Europe Ecologie en terme d’infrastructure : on y retrouve l’allongement de la ligne 14, la réhabilitation des RER, plus de trams et de nouvelles lignes de bus. Le Front de gauche conduit par Pierre Laurent s’associe également à l’idée de moderniser l’existant et de créer de nouveaux prolongements. Sans surprise, les programmes des partis qui forment la majorité plurielle de la région coïncident sur les grandes lignes.
Plus étonnant, le programme de Valérie Pécresse peut également s’accorder avec celui de la gauche. Comme ses adversaires, la majorité présidentielle souligne l’urgence de prolongement de la ligne 14 et du RER E. Elle est également favorable au prolongement des tramways T1, T2, T4 et T6. Le prolongement du T3 sur les maréchaux parisiens, dont la paternité est revendiquée par le socialiste Bertrand Delanoë et le vert Denis Baupin, est néanmoins exclu des priorités. Valérie Pécresse veut également “délester les autoroutes en triplant le transport fluvial de marchandises”, comme Pierre Laurent, tête de liste communiste.
La différence se fait sur la tarification et le Grand Paris.
Alors que Valérie Pécresse se prononce pour une réduction du nombre de zones de 6 à 2, sans préciser les prix envisagés pour les abonnements, Cécile Duflot est pour sa part favorable à un tarif unique (65 euros) dans toute la région, tout comme Pierre Laurent.Olivier Besancenot, tête de liste pour le Nouveau Parti anticapitaliste,
promet la gratuité des transports, financée par l’imposition des entreprises. Enfin, Alain Dolium (Modem ) et Jean-Paul Huchon se sont prononcés pour un maintien du zonage en semaine et l’application de tarifs sociaux pour les jeunes chomeurs. Le président sortant veut également maintenir l’activité des transports en commun la nuit du samedi au dimanche.
Le plus important clivage concerne le “grand huit”. Le projet de Christian Blanc, secrétaire d’Etat chargé de la région capitale, prévoit la création d’un métro automatique en petite et grande couronnes. Il devra relier une trentaine de gares franciliennes et joindre de futurs pôles économiques et de recherche. “Le plan gouvernemental aggravera le déséquilibre emplois-habitats dont souffre déjà la région”, estime Jean-Claude Delarue pour la FUT-SP. “Ce plan prévoit de construire un métro là ou il y a aujourd’hui des champs de betteraves, tacle Simone Bigorgne, présidente de l’Association des usagers des transports. Nous ne sommes pas contre à horizon 2050, mais la priorité est de faire circuler des trains en petite couronne. La réalisation d’Arc Express correspond aux besoins des usagers.”
Projet phare de la présidence sortante, Arc Express est une rocade de métro automatique en petite couronne que la région prévoit de compléter avec des tangentielles ferroviaires afin d’affiner le réseau de transport banlieues-banlieues. “Le projet de la région n’est pas incompatible avec celui du gouvernement” estime un proche de Valérie Pécresse. “80 à 90 % du trajet d’Arc Express se superpose à celui de la grande boucle imaginée par Christian Blanc”, ouvrant la porte à un éventuel accord qui pourrait rapprocher l’Etat et la région une fois la campagne régionale terminée.
“En période électorale, les projets sont gelés” regrette Simone Bigorgne. “Une fois ce temps des promesses terminé, nous verrons ce qu’il en restera” conclut-elle.
Eric Nunès